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Frédéric Fogacci, historien : « Les chefs de la IVᵉ République étaient écœurés par un système qui neutralisait systématiquement l’action de long terme »

Une crise politique est-elle nécessairement une crise institutionnelle ? A considérer le débat actuel, on pourrait être tenté de le croire : les sombres constats d’impasse finale d’une Ve République dont on sous-estime les ressources cachées cohabitent avec une étrange campagne de réhabilitation du scrutin proportionnel. Celui-ci est alternativement censé doter notre régime d’une souplesse et d’une résilience que l’on croit retrouver dans d’autres pays européens (pourtant porteurs d’une culture politique, d’une histoire et d’institutions fort différentes des nôtres), ou, de manière plus surprenante encore, associé positivement à une IVe République dont il conviendrait de reconsidérer les vertus à la lumière des temps actuels – et à venir – d’absence de majorité.
Puisqu’il est question du scrutin proportionnel et de ses vertus supposées, replongeons-nous dans l’histoire de la IVe, ce qui permettra de reconsidérer certaines idées reçues.
D’abord, le scrutin proportionnel serait juste, et donnerait une représentation plus exacte de la diversité de la population française. Le scrutin proportionnel, mais lequel ? Car le diable est dans les détails : le cadre (national ou départemental), le calcul du reste (à la plus forte moyenne ou non), ou encore la possibilité de vote préférentiel influent sur le rapport de force. Ainsi, au début de la IVe République, en 1946, les trois grands partis – le MRP [Mouvement républicain populaire], la SFIO [Section française de l’Internationale ouvrière] et le PCF [Parti communiste français] – sont surreprésentés par le scrutin. Mais la loi des apparentements, votée pour les législatives de 1951, qui permet à certains partis de se coaliser sans programme commun, conduit à des déformations assez ahurissantes de la volonté des électeurs, dont seront victimes les communistes et les gaullistes. Au contraire, des partis qui perdent des voix, comme le parti radical, gagnent des députés. Dès le début des années 1950, un homme d’Etat comme Pierre Mendès France fera du retour du scrutin majoritaire d’arrondissement son cheval de bataille.
Deuxièmement, en 1946, le scrutin proportionnel est censé assurer un renouvellement du personnel politique, au détriment d’élus ancrés localement, mais sans vision nationale. En effet, ce mode de scrutin donne aux directions de partis politiques un pouvoir exorbitant sur leurs élus, puisque la place des candidats sur la liste départementale conditionne souvent l’élection. On voit alors apparaître à l’Assemblée un personnel politique d’apparatchiks, campant sur la position doctrinale de leur parti, lequel conditionne leur avenir politique. Le rapport de force évolue peu, ou pas, les mêmes hommes et femmes restant à l’Assemblée, et toute possibilité d’alternance véritable s’éloigne, puisque les équilibres et les majorités sont constitués après le vote des Français. Tout repose sur des tractations entre chefs de parti, à une époque où lesdits partis sont nettement plus implantés et représentatifs qu’aujourd’hui.
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